Dans lequel je donne un exemple de mon inculture musicale

music-159870_640Discussion il y a deux jours :

« Tiens, t’as une version instrumentale d’All By Myself [0] qui joue ?
– Non, c’est, heu, d’après Google, heu, Piano Concerto No. 2 in C Minor, Op. 18, Rachmaninov, deuxième mouvement [1].
– Euh. Ça ressemble vachement, quand même. »

Wikipedia à la rescousse : « All by Myself est une chanson américaine écrite, composée et interprétée par Eric Carmen et sortie en 1975. Elle emprunte librement son thème musical au deuxième mouvement du Concerto pour piano no  2 de Sergueï Rachmaninov, une pièce que Carmen croyait à tort être dans le domaine public. »

Ben, ça explique des choses, pis j’ai appris un truc.

[0] Farpaitement, la version Céline Dion.

[1] Et l’ensemble est aussi disponible : Rachmaninoff – Piano Concerto #2 in C Minor, Op. 18.

Les DRM sur les e-books, ça craint. (Et d’autres trucs aussi)

Je lisais ce matin un billet intitulé « DRM or not DRM ? Telle est la question » qui traite de la question des DRM sur les e-books. L’auteur, Cécile Chabot, a préfixé son post Google+ d’un « Et vous, vous êtes pour ou vous êtes contre les DRM sur les ebooks? » auquel j’ai commencé à répondre sur G+, et puis en voyant la taille de la tartine, je me suis dit qu’elle serait aussi bien ici.

En gros comme en détail, je suis contre. Pour une seule raison, essentiellement : ça ne change rien en ce qui concerne la diffusion sur des sites de téléchargement, et ça a un potentiel d’emmerdes énormes pour l’acheteur légal. (J’ai le même genre d’argument sur les portillons du métro qui n’empêchent pas les gens de sauter au-dessus mais qui sont une plaie dès qu’on transporte plus qu’un petit sac à dos.)

Le postulat de base, c’est qu’à partir du moment où un machin (e-book, musique, vidéo) existe sous forme numérique, avec ou sans DRM, on peut considérer qu’il est disponible gratuitement sans DRM quelque part. La plupart des DRM se cassent ; il y même, selon toute probabilité, des applis qui rendent les choses très faciles. Et à partir du moment où le DRM est cassé une fois sur un fichier, ben c’est plus nécessaire de le casser sur d’autres – il suffit de copier le fichier non protégé. Le fait que la source originale soit protégée ou non n’a donc a priori aucun impact sur ça. (Il y a des DRM plus ou moins faciles à casser, mais globalement… ce n’est qu’une question de temps.)

Cécile parle de la question du prêt et de perte de possession – c’est vrai, et j’avoue que je n’avais pas encore vraiment vu les choses sous cet angle (mais je prête et j’emprunte assez peu de bouquins). Je voudrais mitiger ça par deux points. D’une part, en général, quand je veux prêter un bouquin, c’est que je viens de le lire, et que donc je vais pas le relire tout de suite. Donc, qu’il soit dans ma bibliothèque ou dans la bibliothèque de ma copine (ou les deux), je m’en fous un peu. D’autre part, la dernière fois que j’ai envisagé de vouloir prêter un e-book, c’était… à mon époux. Il se trouve qu’on vit ensemble, qu’on fait bibliothèque commune, et que oui, il arrive occasionnellement qu’on lise le même bouquin au même moment. Pour le coup, le fait de pouvoir avoir une copie sur deux e-readers du foyer (on utilise l’appli Kindle sur nos téléphones, principalement) me paraîtrait pas complètement délirant. Sauf qu’évidemment, dans l’état actuel des choses, c’est impossible à gérer de façon simple. Alors ouais, on pourrait faire compte Kindle commun, il y a moyen d’avoir plusieurs appareils associés au même compte, très bien. Sauf que d’une part, j’avoue que je n’ai pas vérifié, mais je suis à peu près sûre que c’est pas un cas autorisé par les conditions de vente Amazon. (Et pour le coup, imaginerait-on un libraire demander combien de personnes habitent chez moi et me vendre 4 exemplaires de n’importe quel bouquin que j’achète au cas où mon mari et mes gosses veuillent le lire ?) Et d’autre part, là ça va, c’est mon époux, mais si j’envisageais que ce soit un compte « familial » avec mes (hypothétiques) gosses par exemple, je tiendrais hypothétiquement pas nécessairement à ce que mes enfants aient accès à toutes mes lectures. Donc ça pose d’autres problèmes aussi.

Les DRM posent aussi évidemment le problème de l’interopérabilité. Avec un e-book sans DRM, je peux le convertir en 12 formats différents si ça me chante, le mettre sur ma vieille liseuse antédiluvienne qui bouffe que des formats pas classiques, le mettre à la fois sur mon téléphone, ma liseuse, ma tablette, mon laptop et mon ordinateur sans me poser plus de questions que ça, et faire ce que je veux avec, suivant ce qui est plus pratique pour moi à un instant t. Si ça me chante je peux aussi le mettre dans un machin de synthèse vocale et écouter le bouquin plutôt que le lire. (Certains bouquins Kindle offrent la possibilité, mais le DRM Amazon permet d’autoriser ou de bloquer cette possibilité). On me dira que ce sont des choses que seules l’édition numérique me permet de toute façon et qu’un bouquin papier ne me poserait pas ce genre de problèmes et ne m’offrirait pas ces opportunités. Mais bon, on a l’énorme chance de pouvoir faire ces choses – pourquoi s’en priver pour des raisons discutables ?

Cécile pose la question du « consensus social » et dit que « Fondamentalement, je crois que sur cette question, le droit ou la technique seront de faible secours mais que l’éthique et la créativité  pourraient aider. » Je suis d’accord sur le fait que le droit et la technique montrent leurs limites (les majors du disque envisagent de commencer à s’en rendre compte). Alors l’éthique et la créativité en tant qu’alternative, je dis plutôt oui. Mais j’espère juste que ça ne sera pas limité à une seule direction (i.e. moi, en tant que gentil consommateur, je m’engage à acheter (louer ?) mon contenu par les moyens légaux mis à ma disposition et à racheter mon contenu sous toutes les formes qui pourraient m’être utiles parce que je peux pas transformer la forme sous laquelle je l’ai acheté), mais dans les deux sens (i.e. je m’engage à acheter mon contenu par les moyens légaux mis à ma disposition, mais vous êtes gentils, vous me faites pas chier avec vos protections à la noix, et vous m’autorisez à acheter ledit contenu).

Je signale le dernier point sur le « vous m’autorisez à acheter ledit contenu » parce que, en-dehors même de la question des DRM, l’accès au contenu est, encore une fois et pour des raisons qui m’aberrent profondément, toujours un problème. J’ai beaucoup entendu parler, ces derniers temps, de la série du Protectorat de l’Ombrelle de Gail Carriger. Je me suis dit « tiens, ça a l’air pas mal, pourquoi pas ». Je regarde la VO, pas de version Kindle disponible. Bon, la version numérique n’existe apparemment pas, admettons, ça arrive. Sybille me signale que la VF est dispo en version Kindle. Chouette, me dis-je en mon for intérieur. Je me rends alors compte que la VF est dispo en version Kindle… si je ne suis pas connectée sur Amazon. Parce que sinon, il se rend compte que j’habite en Suisse, et donc il veut pas me le vendre. C’est pas la première fois que ce genre de gag m’arrive ; d’habitude c’était plutôt entre les US et l’Europe, mais visiblement entre la France et la Suisse ça marche aussi. Enfin ça marche pas. Enfin bref. L’offre existe, on veut juste pas me la vendre parce que j’habite du mauvais côté d’une frontière. (Alors qu’acheter le bouquin papier via le même Amazon ne poserait aucun problème !) (Oui, je sais, j’ai qu’à faire ça.). Je ne sais pas qui est à blâmer, et je m’en fous un peu. Mais les restrictions géographiques sur la vente de contenu numérique sont pour moi encore pires que les DRM. Un DRM m’empêche de faire ce que je veux avec ce que j’achète ; une restriction géographique m’empêche d’acheter légalement ce que je veux acheter. Et vous savez quoi ? Quand on peut pas acheter un truc, ben ça fait des ventes en moins. Fou non ?

Les majors de la musique ont finalement visiblement compris que les DRM c’était pas une bonne idée, et une grosse partie des catalogues (iTunes et Amazon en particulier) sont libres de DRM. J’achète une quantité non nulle de musique en MP3 sur Amazon d’ailleurs, c’est pratique, c’est bien indexé, je clique et ça downloade (ou à peu près, c’est un demi-poil plus sioux que ça sous Linux mais guère), c’est du MP3 propre, nommé correctement et taggé correctement ; c’est pas de la GRANDE qualité de MP3 (et encore moins du FLAC), mais je m’en fous, entre les enceintes de mon PC et mes oreilles défaillantes, c’est pas comme si je pouvais faire la différence de toute façon.

J’espère que les éditeurs d’e-books mettront moins longtemps que lesdits majors à se débarrasser des DRM. Ça paraît sur la bonne voie – Tor (un des gros éditeurs de SF/Fantasy aux US) a annoncé récemment qu’ils se débarrassaient des DRM ; O’Reilly n’a, à ma connaissance, jamais eu de DRM sur leurs livres numériques ET proposent plusieurs formats pour chaque bouquin (et, là encore, le fait que l’achat soit simple et pas relou m’incite fortement à acheter chez eux – j’ai une quantité de machins à lire assez improbable).

J’espère aussi que les créateurs de contenus de tous poils (musique, livres, vidéos) se rendront aussi un jour compte que les restrictions géographiques, c’est complètement con. C’était déjà complètement con sur le zonage des DVD ; sur le contenu téléchargeable ça pousse à la stupidité la plus délirante. Ne pas proposer à la vente légale un truc qui (voir postulat de base en début de billet) est de toute façon disponible par d’autres biais, et se plaindre de ses ventes ? Ya que moi que ça choque ? Je suis incapable de ne pas m’énerver sur le sujet, c’est un de mes thèmes d’agacement favoris, donc je vais arrêter là ma diatribe qui ne servira de toute façon qu’à convaincre les convaincus 😉

Dans vingt, cinquante, cent, deux cents ans ?

Des réflexions idiotes sous la douche… Enfin plutôt, des questions sans réponse. Quels bouquins sortis ces, mettons dix dernières années, lira-t-on encore dans vingt, cinquante, cent, voire deux cents ans ? Quels auteurs actuels auront leurs noms sur les écoles et les lycées ? Pourquoi suis-je allée à l’école Marcel Pagnol puis au collège André Malraux ? À partir de qui seront nommés les collèges de mes enfants, petits-enfants ? Qu’est-ce qui FAIT la différence ? Et la musique ? Pourquoi joue-t-on encore du Beethoven, du Mozart ou du Bach ? Bien sûr, c’est agréable à écouter, voire beau. Est-ce qu’à l’époque on s’était dit que cette musique resterait pour quelques siècles ? Pense pas. Et pour le coup, avons-nous, à l’heure actuelle, de la musique qui, même sans rester jouée pour quelques siècles, resterait diffusée ne serait-ce que dans cinquante ans ? Les gens qui ont le plus de succès (médiatique, principalement) à l’heure actuelle sont-ils des feux de paille ou en garderons-nous le souvenir ?